jeudi 12 février 2009

[BD] Ruppert & Mulot - Gogo Club

Quand on parle de Mulot, on parle automatiquement de Ruppert. Non, c'est l'inverse. Arf. Jérôme Mulot, Florent Ruppert, ne font qu'un, en fait. Ils dessinent ensemble, écrivent ensemble, peut-être même qu'ils se droguent ensemble, couchent ensemble, allez savoir. Ah oui, et ils bavardent ensemble, surtout, dans leurs histoires. Je ne crierai pas à l'OVNI, ou OBNI (Objet Bédéesque Non Identifié). Juste à l'OBVIH (rien à voir avec le Sida, hé) : Objet Bédéesque (je revendique la paternité de cet adjectif) Vraiment Iconoclaste et Hilarant. Surtout, ce que fascine chez ces deux là, c'est leur façon de créer un mouvement dans leur dessin. Les images bougent, millimétrées dans leur enchaînement, calibrées pour mieux danser.
Les deux compères, qui se sont rencontrés sur les bancs de l'ENSA de Dijon, prennent un malin plaisir à déformer l'objet bande-dessinée pour proposer dans leurs différentes œuvres parues une nouvelle façon de construire la narration. Enfin, si déformation il y a, c'est surtout dans leur façon de découper le récit. Gourmands de la mise en scène graphique, ils utilisent notamment les bulles en arborescence, pour créer un dialogue dans une seule case. Des dialogues savoureux, irrévérencieux, au service d'un récit qui recelle bien de plus de noirceur qu'il n'y parait, caché derrière une fausse légèreté. Le dessin semble simple, abstrait, mais demande une technique et une précision impeccable, implacable j'ai envie de dire. Les albums de Ruppert et Mulot, c'est du découpage de film d'animation, ni plus ni moins.
Dans ce Gogo Club, après une préface de Jean Claude Menu (un des créateurs de l'Association) qui donne le ton (rencontre entre l'éditeur et les deux auteurs), se déroule un "casting" absolument hilarant dans le but d'y trouver les acteurs d'un terrible drame qui se tramera dans la deuxième partie! L'histoire en elle même, justement, est un véritable mélange de film muet, avec dialogues en aparté, et de mise en scène théâtrale.

Quand on commence l'album, on ne sait pas vraiment où on va, quand on l'a refermé, on ne sait pas vraiment où on est arrivé. Pour ma part, j'ai surtout beaucoup ri, souri, et je me suis forcément laissé emporté par le mouvement.

D'ailleurs, il faut jeter un œil plus qu'attentif sur leur splendide site (www.succursale.org), qui propose une suite logique de leur travail sur album. On y retrouvera le vestiaire des "acteurs" de Gogo Club, ainsi (entre autres) qu'un jouissif championnat de bras de fer avec une belle bande de joyeux drilles dessinateurs (Boulet, Peeters, Trondheim, etc) et de bien belles animations.


'Gogo Club'
Scénario et dessin: Jérome Mulot et Florent Ruppert
Editeur : L'Association - 6€
Parution : février 2007

lundi 9 février 2009

[BD] Tardi / Verney - Putain de guerre

Tardi revient avec l'un de ses sujets de prédilection : la Grande Boucherie de 14-18. Lui qui a eu un père-grand gazé dans les dépotoirs des tranchées se sent quelque peu concerné par cette période assez douloureuse de l'histoire où les généraux à moustaches envoyaient au carnage des pauvres types se faire déchiqueter l'os pour apprendre à ces casques à pointe prussiens qui c'était qu'avait la plus grosse (hé, nous évidemment - arrêtons nous un instant pour écouter la Marseillaise - hmm qu'elle est douce).
Tardi, qui a toujours eu un engagement fort dans ses oeuvres (C'était la guerre des tranchées, Le Cri du peuple, etc.), se replonge donc avec son historien de scénariste dans la mouise de la guerre. On a souvent vu Tardi en noir et blanc, cette fois il utilise la couleur. Ce qui, ajouté à la ligne claire de son dessin, pourrait faire croire à un quelconque espoir, mais en fait, ben euh, non. Non, tout n'est que noirceur, sang qui coule et désespoir qui nous saute à la tronche, en même temps que les bouts de cervelles éparpillés des soldats-barbaques.
Putain de guerre retrace l'Histoire sous l'oeil hagard d'un de ces soldats qui par miracle (et pour le besoin du scénar) survit aux années 14-15-16 (en attendant la suite qui devrait sortir bientôt). Avec lui, on assiste aux drôleries de la guerre, ses fleurs qui poussent et ses papillons qui volètent sous un soleil radieux...

Encore une fois c'est une réussite dans cet album où tout est montré de façon très explicite avec une évidente simplicité. Pas de chichis, d'effets de style, de surnaturel, d'onirisme. C'est brut de décoffrage, Tardi, brut et sombre, glauque, poisseux. Putain de guerre quoi.


'Putain de guerre!'
Dessins : Jacques Tardi
Textes : Jean-Pierre Verney
Editeur : Casterman - 16€
Parution : 7 novembre 2008


vendredi 6 février 2009

[BD] Frank Miller - Valeurs Familiales

S'il y a bien une série à posséder dans sa collection, c'est celle de maître Miller, Sin City. Il existe pour le moment 7 tomes, et Valeurs familiales est le 5è, mettant en scène la délicieuse mais quand même complètement barge Miho, tueuse japonaise à roller, tendance ninja sadique. Un personnage qu'on a pu voir dans le film de Robert Rodriguez, d'ailleurs. Peut être pas le meilleur album de la série, mais suffisamment bon pour ne pas faire tâche à côté des premiers opus.

Le film a permis à beaucoup de connaître l'univers Sin City, déjà incontournable chez les amateurs de comics. américains. L'intrigue se déroule donc dans l'univers sombrissime des bas fonds de cette ville de vices et de pêchés, où la loi du plus barbare est la meilleure. Le scénario fuse comme une balle de 32 mm et vous traverse le crâne avec une joyeuse explosion de rebondissements et de noirceur jouissive.
Mais au delà du scénario, ce sont les personnages dépeints avec une force hallucinante qui font vivre l'histoire : les mecs sont plus souvent ex-taulard brutal et magnifique, flic ultra-viril au grand coeur, méchants très très méchants, ou tueurs à gages plein de sang froid; les femmes des putes avec un Uzi caché dans le string ou fausses fragiles découpeuses de mecs trop relou. Quant au dessin, je ne me lasse pas de lancer une onomatopée admirative : Waouh! J'ai pas mieux comme jugement. Les graphismes en noir et blanc (avec une pointe de rouge, parce qu'il y a du sang... parfois) de Miller sont proprement somptueux et rajoutent au côté obscur de l'intrigue.
J'ai pris une méga claque visuelle le jour où j'ai posé les yeux pour la première fois sur les planches coup de poing de Sin City. Je ne m'en lasse pas.

Chaque album de la série est une pure merveille et donne envie de se plonger irrémédiablement dans le reste de l'œuvre de Frank Miller (Dark Knight, me voilà!). Ces Valeurs Familiales ne dérogent pas à la règle.


'Sin City t.5 Valeurs familiales' (Family Values)
Scénario et dessins : Frank Miller
Editeur : Rackham - 15€
Parution : 2001